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La mauvaise payeuse était à la merci de chaque indivisaire

La décision d’un seul indivisaire suffit pour décider de l’expulsion du locataire.

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L’HISTOIRE. Marius avait pris à bail un hangar à usage agricole, appartenant à quatre indivisaires, dans lequel il exploitait un commerce de vente directe d’asperges. Après quelques années, il avait cédé, avec l’accord des bailleurs, le bail et son activité à la société Val-Ventoux. Mais cette dernière avait rencontré des difficultés financières et avait cessé de payer le loyer. Aussi, le bail avait-il été résilié et une décision d’expulsion avait été ordonnée. Cédric et Alexa, deux des bailleurs et propriétaires indivis, avaient alors fait délivrer à la société Val-Ventoux un commandement de quitter les lieux.

LE CONTENTIEUX. Celle-ci n’avait aucune envie d’abandonner son hangar, bien placé à l’entrée de la ville. Elle avait saisi le juge de l’exécution pour s’opposer à son expulsion. Son avocat l’avait rassurée. L’expulsion n’était pas possible et le commandement de déguerpir devait être annulé. Des arguments de droit étaient en sa faveur. L’article L. 111-9 du code des procédures civiles d’exécution considère l’exercice d’une mesure d’exécution comme un acte d’administration. Or, selon l’article 815-3 du code civil, les actes d’administration, relatifs aux biens indivis, ne peuvent être effectués par les indivisaires que s’ils sont titulaires de la majorité qualifiée. Celle-ci correspond à au moins deux tiers des droits indivis.

En l’espèce, Cédric et Alexa, qui étaient à l’initiative du commandement de quitter les lieux, n’étaient titulaires que de la moitié des droits indivis. La mesure d’expulsion signifiée à Val-Ventoux devait être annulée. Les deux propriétaires avaient pourtant invoqué l’article 815-2 du code civil, qui admet que l’action, ayant pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre d’un immeuble indivis, constitue une mesure conservatoire qu’un indivisaire peut prendre seul.

Mais ni le juge de l’exécution, ni la cour d’appel ne les ont entendus. Ils ont admis que le commandement de quitter les lieux était nul. Il s’agissait bien, selon eux, d’un acte d’administration que seuls les indivisaires, titulaires des deux tiers des droits indivis, pouvaient effectuer. Cédric et Alexa ne détenaient, à eux seuls, que la moitié des droits indivis sur le local de Val-Ventoux. Ils ne pouvaient pas en rester là, et ont formé un pourvoi.

Saisie, la Cour de cassation a censuré la motivation des juges du fond au visa de l’article 812-2 du code civil. Pour elle, la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, signifié en exécution d’un titre d’expulsion, constitue une mesure conservatoire nécessaire à la conservation des biens indivis. Elle n’implique donc pas l’intervention d’indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis.

L’ÉPILOGUE. La cour de renvoi devra se conformer à la position de la Cour de cassation. L’action, ayant pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre d’un local indivis, constitue bien une mesure conservatoire qu’un indivisaire peut prendre seul. Cédric et Alexa pourront, dans l’intérêt de l’indivision, recouvrer la jouissance du hangar pour le donner, à nouveau à bail, à un exploitant.

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